Le film "Yomeddine": Comment toucher "les intouchables" !

Nevine Ahmed Dimanche 13 Janvier 2019-13:33:41 Dossier
Le film
Le film "Yomeddine

La tragédie des lépreux ne se limite uniquement pas à la dégradation physique de leurs corps, mais surtout à la honte de se voir par tous les autres. Le film égyptien "Yomeddine" est le premier long métrage qui aborde les maux psychiques autant que physiques de  ces malades. Le film sera parmi les oeuvres en compétition aux Oscars du cinéma.

 

Quoi de mieux pour rendre hommage à la patience, à la souffrance et à l’endurance des lépreux que la réalisation d’une œuvre cinématographique défendant leur cause! Au lieu de les présenter comme étant des personnes que l’on est censé fuir comme la peste, il serait plus humain de tenter de percer leur univers de près.

Ils sont d'habitude exclus de la communauté et ne peuvent donc pas vivre avec leurs proches. Les lépreux subissent souvent le pire des sorts puisqu'ils choisissent eux-mêmes leur exclusion quand quelqu'un s'approche d'eux. Ils sont malheureusement les personnes les plus marginalisées de la société.

Les côtoyer, parler avec eux, les écouter pour enfin nous adoucir le cœur en nous familiarisant avec leurs rêves et douleurs.

Peut-être d'aucuns d'entre nous, notamment ceux et celles ayant suivi des études aux écoles de religieuses et de religieux, se rappellent-ils de cette sortie annuelle que l'établissement scolaire organisait aux élèves pour visiter la léproserie d'Abou Zaabal. Le but de la sortie était notamment de faire sentir, aux écoliers, la souffrance dont certains ressentent siliencieusement. Il s'agissait de faire rapporcher les petits de ces marginalisés jugés "intouchables", de passer quelque temps avec eux pour ressentir leurs maux et peut-être tenter de les faire réintégrer dans la société.

"Yomeddine" est le premier long métrage qui aborde les maux et les angoisses des lépreux. Une cause humanitaire consistant le thème principal du film, qui a participé, il y a cinq ans, au Festival de Cannes. C'est une histoire réelle que le réalisateur du film avait vécue alors qu'il tournait un documentaire à la léproserie. Le héros est Radi Gamal qui a guéri après avoir reçu le traitement nécessaire.

L'histoire tourne autour de Bichay, cet homme remis de la lèpre, mais qui n'a pas guéri des cicatrices que la maladie a laissées sur ses traits. Il vit dans une colonie qu'il n'a jamais quittée. Après le décès de sa femme, Bichay décide d'aller à la recherche de ses racines dans un long voyage au coeur de l'Egypte. Il quitte la colonie à dos d'âne, accompagné de son ami nubien Obama, cet orphelin qui refuse de se séparer de Bichay. Les deux sortes, pour la première fois, de la colonie pour découvrir la vie.

Autrefois, les films parodiaient les lépreux. Les réalisateurs caricaturaient les lépreux de façon ridicule. A force de regarder ce que le cinéma diffusait, le public finit par soit avoir peur des personnes lépreuses soit les éviter par crainte de contagion.

"Yomeddine" est un film égyptien pas comme les autres. C’est un drame teinté de poésie, un vrai plaidoyer pour la compassion et la générosité. Un film simple, mais pas simpliste. Un film tendre qui fuit le misérabilisme pour s’attacher à l’humain, rien que l’humain.

C’est aussi une critique sociale et comédie qui sera en lice lors des Oscars et a effectivement reçu sept nominations. "Yomeddine" comporte aussi des moments de grâce, d’entraide, de franche rigolade avec ces déshérités méprisés que le réalisateur en scène, le jeune Abou Bakr Shawky tente de dépeindre tendrement de manière à faire vibrer les cœurs face aux souffrances du monde des lépreux.

« Yomeddine » tellement c’est une œuvre sublime a fait parler de lui dans la presse internationale.

Le Figaro écrit « Une œuvre simple et tenace comme ses personnages », alors que Le Parisien titre « Un film touchant, entre road-movie et fable initiatique ». Nous pouvons également lire des mots élogieux dans Le Point « Un beau conte qui dévoile au fil des routes égyptiennes, sans s’apitoyer sur le sort des lépreux et des Egyptiens en général. La sincérité du film vous touche de plein fouet du fait que le protagoniste est joué par un vrai lépreux au visage déformé par la maladie.

Ce fut un peu le « feel good movie » de la compétition officielle du dernier Festival de Cannes. "Yomeddine" est le premier film du cinéaste et réalisateur Abou Bakr Shawky, né au Caire et résident aux Etats-Unis.

Son héros est Bishay, un jeune homme guéri de la lèpre, affichant pourtant des traits difformés à cause de la maladie. Ahmed Abdel Hafiz, un jeune orphelin nubien surnommé Obama, ne le lâche pas d’une semelle dans son voyage. Radi et le jeune enfant quittent pour la première fois de sa vie après la mort de l’épouse de Bishay la léproserie aménagée à la lisière de la capitale, dans le désert pour y confiner les personnes atteintes de la lèpre, à la recherche de ses racines familiales du premier, ses pauvres possessions entassées sur une charrette tirée par son âne.

Les deux amis  vont traverser l’Egypte et affronter ainsi le monde avec ses maux et ses instants de grâce dans la quête d’une famille, d’un foyer, d’un peu d’humanité. Ce qu’il y a de formidable dans « Yomeddine », c’est cette envie de montrer une Egypte inédite, loin des clichés touristiques, de transmettre des valeurs fondamentales (comme bien sûr le droit à la différence), avec une farouche volonté de divertir.

 « Je suis fier et reconnaissant envers le jury qui a choisi mon film pour représenter l’Egypte aux Oscars », a dit le jeune réalisateur Abou Bakr Chawki. « J’avais réalisé il y a 10 ans un court-métrage documentaire sur une léproserie en Egypte quand j’étais étudiant en cinéma. Il y avait beaucoup d’histoires à raconter, c’était si fascinant que je voulais faire un film de fiction », a dit le jeune cinéaste et réalisateur du film. Il poursuit « j’ai ensuite écrit le scénario sur la quête de ce lépreux qui quitte l’hospice ».

Shawky raconte avoir découvert son héros, Radi Gamal, qui n’est pas comédien de formation et à tout de suite été conquis par son énergie. Dans un film, si on regarde une personne longtemps, on arrête de se préoccuper de son apparence. « J’ai voulu faire cela avec le personnage de Bishay. Le spectateur dépasse sa première peur et commence à s’habituer et s’attacher au personnage », dit-il, et c’est de cela réellement que le spectateur sent la sincérité du film. Et d’ajouter que « mon souhait était que le spectateur oublie les difformités du personnage. Les premières minutes, il n’y a pas de plans rapprochés, mais on ne le cache pas non plus. J’ai juste voulu montrer un être humain ».

 L’épouse du réalisateur et cinéaste, Dina, co-productrice  de ce long-métrage, se rappelle « C’était un long parcours et il nous reste encore du chemin », avant d’exprimer sa gratitude envers le jury d’avoir sélectionné « Yommedine », pour participer aux Oscars comme « le meilleur film étranger ». « C’est un grand honneur », affirme Dina qui n’a pas oublié de rendre hommage à toute l’équipe de l’ouvrage. Elle souhaite « d’élever haut le nom de l’Egypte partout dans le monde ».

La lèpre

La lèpre est une maladie infectieuse chronique. La maladie touche principalement la peau, les nerfs périphériques, la muqueuse des voies respiratoires supérieures ainsi que les yeux. La lèpre est une maladie dont on peut guérir et le traitement à un stade précoce permet d’éviter les incapacités. C’est une maladie ancestrale. De tout temps, les malades ont souvent été rejetés par leur communauté et leur famille.

La lèpre était prise en charge différemment dans le passé mais le premier changement décisif a eu lieu dans les années 1940 avec la mise au point de la dapsone. Le traitement durait des années, parfois même toute la vie, ce qui le rendait difficile à suivre pour les patients.

 

 

 

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